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A Cologne, angoisse et colère après les agressions du nouvel an

par Joseph Nasr

COLOGNE, Allemagne (Reuters) - Malgré la forte présence policière visible devant la cathédrale gothique du centre de Cologne, Lisa Elsner, une adolescente de 16 ans, ne se sent pas en sécurité.

C'est dans ce quartier de la ville que dans la nuit du nouvel an, 121 femmes ont été victimes de vols à l'arraché, de menaces ou d'agressions sexuelles par des petits groupes d'hommes "d'origine arabe ou nord-africaine", selon la police.

Alors qu'on lui demande si elle se sent en confiance dans le centre de cette ville touristique de 1,2 million d'habitants, au bord du Rhin, Lisa répond: "Pas toute seule, et certainement pas la nuit."

Assise à côté d'elle dans un café proche de la gare, sur un côté de la cathédrale, son père acquiesce de la tête.

Après avoir tardé à réagir - il a fallu attendre cinq jours pour que les autorités locales fassent état de ces agressions -, la police a renforcé le dispositif de sécurité dans le quartier. Mais les médias et une partie de la classe politique lui reprochent d'avoir été débordée le 31 décembre au soir et de ne pas avoir agi suffisamment vite pour stopper les agresseurs.

Le chef de la police de Cologne, Wolfgang Albers, a du reste été relevé de ses fonctions et mis à la retraite d'office.

Alors que des responsables allemands ont indiqué que des demandeurs d'asile étaient au nombre des suspects, Shawn Barsohn, un adolescent de 17 ans, se dit convaincu que les agressions en série du nouvel an sont la conséquence directe de la décision d'Angela Merkel d'avoir accueilli près de 1,1 million de réfugiés et migrants l'an dernier.

"Pour être vraiment honnête, oui, dit-il, c'est sa faute. Elle a laissé entrer bien trop de monde et il faut à présent qu'elle se rende compte que c'est tout simplement trop."

Son amie Maryam Dweiri, 13 ans, partage son avis. "Elle ne contrôle pas la crise des réfugiés." Et, comme Lisa, elle confie: "Lorsque je marche ici la nuit, je me sens angoissée."

"CE SONT DES SALAUDS, PAS DES MUSULMANS"

Pour les réfugiés récemment arrivés en Allemagne, les agressions du nouvel an sont aussi un motif d'inquiétudes.

Kasedli et Majed Hassan, deux cousins kurdes de Syrie, vivent depuis quatre mois dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile à une heure de route de Cologne. Leur peur: que les événements de Cologne sapent la compassion dont ont fait montre les Allemands envers les réfugiés, auxquels la chancelière fédérale a ouvert les portes début septembre, suscitant un vaste élan de sympathie et de solidarité.

"L'Allemagne nous a accueillis comme aucun autre pays. Même des pays arabes ne veulent pas de nous", rappelle Majed, 27 ans. Kasedli poursuit: "Mais que ces types aient fait ce qu'ils ont fait, c'est une vraie honte. Ils n'auraient pas dû se comporter ainsi. C'est totalement barbare."

Huda, une mère de famille irakienne qui s'est installée en Allemagne il y a deux mois, est plus catégorique dans son jugement. Les auteurs de ces agressions, dit-elle, "sont des salauds, pas des musulmans" et "ils abusent de la liberté dont ils bénéficient ici, en Allemagne".

A Chorweiler, un quartier pauvre du nord de la ville où plus de 120 nationalités différentes cohabitent dans des tours datant des années 1960, le maire d'arrondissement, Rheinhard Zöllner, dit ne pas avoir observé de tension particulière depuis les agressions en série.

"Nous sommes très 'multikulti' (multiculturels-NDLR), très tolérants. Ces événements n'y changeront rien", dit-il, ajoutant qu'à son sens, la clef pour éviter que de telles agressions ne se reproduisent à l'avenir, c'est l'intégration.

A la mosquée Abou Bakr, à trois kilomètres environ au nord de la cathédrale, dans un autre quartier populaire, c'est jour de prière hebdomadaire. De jeunes hommes arabes se rassemblent devant la modeste salle de prière et discutent entre eux. Ils parlent de leur malaise et de leur crainte des amalgames.

"Je suis allemand, je suis né ici", dit Yakup, 22 ans, étudiant en informatique à l'université de Cologne, qui refuse de donner son nom de famille. "Ma religion m'enseigne de réfléchir avec mon coeur. Alors je dis qu'il ne faut pas imputer à un groupe tout entier les actes de quelques-uns", poursuit-il.

Dans son bureau, où il prépare son sermon du vendredi, l'imam Moutawalli Moussa se pose lui aussi des questions sur la politique d'accueil d'Angela Merkel. "Ils en ont accepté plus qu'ils n'en pouvaient gérer. Où vont-ils loger tous ces gens ?"

Mais l'imam en veut surtout à la police de Cologne, qu'il accuse d'avoir tardé à intervenir. Quant aux agressions, il les condamne "dans les termes les plus forts". "L'islam, dit-il, interdit aux hommes de poser le regard sur des femmes, surtout lorsqu'elles ne sont pas voilées."

(Henri-Pierre André pour le service français, édité par Tangi Salaün)

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