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Journalistes, roi du Maroc, chantage et littérature : l'histoire digne d'un polar

Catherine Graciet et Eric Laurent, deux journalistes français, ont été interpellés et mis en examen. Ils sont suspectés d'avoir demandé de l'argent à Mohammed VI contre la non-publication d'un livre à charge sur le royaume.

L'info. Deux journalistes français ont été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds, soupçonnés d'avoir voulu faire chanter le roi du Maroc pour la non parution d'un livre révélation sur la monarchie. Ils auraient réclamé plusieurs millions d'euros à Rabat qui a porté plainte, entraînant leur arrestation jeudi dernier alors qu'ils recevaient une partie de l'argent.

Qui sont-ils ? Catherine Graciet et Eric Laurent, 41 et 68 ans, sont tous deux spécialistes du Maroc. Elle est journaliste indépendante, lui a notamment travaillé pour le Figaro et France Culture. Auteurs de plusieurs ouvrages sur le Maroc ou des questions internationales, les deux reporters avaient publié en 2012 un premier ouvrage sur Mohammed VI, "Le roi prédateur, main basse sur le Maroc", aux éditions du Seuil. L'ouvrage dont il est question dans cette affaire devait en être la suite.

Comment s'est passée leur arrestation ? Jeudi 27 août, les deux journalistes sont à l'hôtel Raphael, avenue de Kléber, dans le 16ème arrondissement de Paris. C'est le troisième rendez-vous entre Eric Laurent et un avocat mandaté par Rabat, le premier pour Catherine Graciet. En échange d'un écrit dans lequel ils s'engagent à ne plus parler ni écrire sur le royaume, ils reçoivent chacun une enveloppe de 40 000 euros en petites coupures. C'est à la sortie de l'établissement qu'ils sont interpellés par la police, qui les avaient placés sous surveillance.

Un coup monté ? La version des journalistes. Mis en examen et laissés libres sous contrôle judiciaire, les co-auteurs ont interdiction d'entrer en contact. Mais chacun a pris la parole dans les médias pour se défendre et crier à la manipulation. Dans le journal Le Parisien, Catherine Graciet a déclaré être "tombée dans un piège", tout en reconnaissant avoir cédé dans "un accès de faiblesse". "Dans cette histoire, c'est le Palais qui propose, le Palais qui corrompt", assure-t-elle. Même version du côté d'Eric Laurent qui s'est exprimé dans les colonnes du Monde. "Il n'y a jamais eu de chantage", se défend-il, expliquant qu'il a contacté en premier lieu le palais pour "croiser" les informations rassemblées avec sa consoeur et que c'est l'émissaire du roi qui a proposé un arrangement financier. Il aurait alors accepté, notamment pour éviter de "déstabiliser un régime à travers un ouvrage dans un contexte géopolitique très particulier", comprendre le djihadisme.

Un deal à l'initiative des seuls journalistes selon Rabat. "Les deux journalistes ont oublié qu'ils étaient enregistrés", a contredit hier matin sur I-Télé un des avocats du roi du Maroc, partie civile dans ce dossier, Eric Dupond-Moretti. Pour ce dernier, les preuves vidéo et audio sont accablantes et il ne fait aucun doute qu'Eric Laurent a tenté d'extorquer de l'argent en échange de la non publication de son livre. L'avocat est même allé jusqu'à évoquer la thèse d'une "déstabilisation terroriste", vendredi dernier sur RMC.

La réaction de leur éditeur. Si les deux journalistes se sont dits déterminés à ce que le fameux livre sorte, leur maison d'édition n'est pas du même avis. Dans un communiqué, Le Seuil estime qu'après que Catherine Graciet et Eric Laurent aient "publiquement reconnu avoir accepté de ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc contre rémunération", "la relation de confiance […] s'en trouve de facto dissoute" et que "la publication envisagée ne saurait avoir lieu". Le manuscrit des deux journalistes était attendu d'ici fin octobre.

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