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La Finlande confrontée à une milice anti-migrants

par Jussi Rosendahl et Tuomas Forsell

HELSINKI (Reuters) - Par des températures de moins 30 degrés Celsius, des hommes vêtus de noir patrouillent depuis quelques mois dans les rues de Kemi, une petite ville du nord de la Finlande, afin d'aider la police à y assurer la sécurité face à ce qu'ils qualifient de menace migratoire.

Trois années de récession économique et une brutale augmentation du nombre des réfugiés, franchissant pour la plupart la frontière à partir de la Suède, ont modifié l'atmosphère dans ce pays ethniquement homogène.

En 2014, seuls 6% de la population finlandaise étaient d'origine étrangère contre 10% en moyenne dans le reste de l'Union européenne. Les demandes d'asile ont été quasiment multipliées par dix en 2015, 32.000 dossiers ayant été déposés contre 3.600 l'année précédente.

Face à ce changement, un groupe de jeunes gens s'est spontanément formé dans la localité de Kemi, à proximité de la communauté frontalière de Tornio, principal point d'entrée des migrants à partir de la Suède.

Les "Soldats d'Odin" (nom du principal dieu de la mythologie nordique) revendiquent être "une organisation patriotique combattant en faveur de la Finlande blanche" afin de la protéger d'une hausse de la délinquance liée, selon eux, à l'augmentation du nombre d'étrangers.

LIENS AVEC L'EXTRÊME DROITE

Vêtus de noir et arborant l'écusson d'un viking brandissant le drapeau finlandais, ils affirment être les yeux et les oreilles des autorités dans une vingtaine de localités du pays. Les autorités locales estiment, elles, que le groupe, dont la page Facebook compte 7.600 "likes", n'est présent que dans cinq villes.

"Nous pensons que les intrus islamistes sont la cause de l'insécurité et de l'augmentation de la délinquance", écrivent les membres du groupe sur le réseau social, se vantant au passage d'avoir rallié de nouvelles recrues dans la ville de Joensuu dans l'est du pays.

Pour l'instant, aucun incident n'a été signalé entre les "Soldats d'Odin" et des migrants mais la police finlandaise surveille l'organisation de près, d'autant que les services de renseignement estiment que certains miliciens ont des liens avec des mouvements d'extrême-droite.

"Tant que les patrouilles se contentent de signaler de possibles incidents à la police, cela relève de leurs droits", explique Eero Vanska, inspecteur principal à Kemi. "Mais ils devraient laisser la police faire ce boulot".

"Par principe, la police est responsable de la loi et de l'ordre dans le pays", a rappelé le Premier ministre Juha Sipila tentant d'apaiser les craintes suscitées par l'apparition de ce groupe. "L'autorité de la police ne peut pas être assumée par des civils", a-t-il ajouté.

Entre deux manifestations où ils affirment que "les migrants ne sont pas les bienvenus", les "Soldats d'Odin" essaient eux-mêmes d'adopter un profil relativement bas, disant vouloir défendre tous les Finlandais sans distinction d'origine.

Malgré cette précision, l'immigration demeure pour eux le noeud de tous les problèmes que connaît actuellement la Finlande. "Nous faisons face à une situation de choc des cultures. Cela provoque de la crainte et de l'inquiétude dans la communauté", affirmait Mika Ranta, un des fondateurs de la milice, dans un journal local en octobre.

MOTIFS RACISTES

"Ce genre de patrouilles sont clairement animées par des motifs anti-immigration et racistes et elles ne contribuent pas à une amélioration de la sécurité", juge le ministre de l'Intérieur, Petteri Orpo. "La police doit désormais consacrer une partie de ses maigres ressources à surveiller les activités" de ces milices, précise-t-il.

"Le problème est apapru quand nous avons appris sur Facebook que de nouveaux demandeurs d'asile traînaient près des écoles primaires et prenaient des photos de petites filles", réplique Mika Ranta.

La remarque fait immédiatement penser aux centaines d'agressions qui se sont produites en Allemagne lors du réveillon du Nouvel An et aux accusations visant la police suédoise qui aurait tenté de cacher des infractions de même nature par de jeunes migrants à Stockholm.

La police finlandaise a signalé des cas de harcèlement commis par des "hommes d'origine étrangère" sur des femmes lors des célébrations du Nouvel An à Helsinki ainsi que lors de festivités publiques à l'automne.

Le nombre de plaintes pour agressions sexuelles a presque doublé pour atteindre 147 cas au cours des quatre derniers mois de 2015 contre 75 lors de la même période en 2014. L'origine des agresseurs n'est pas précisée.

Si la plupart des Finlandais expriment leur désapprobation à l'égard de cette initiative sécuritaire, le gouvernement auquel participe depuis le mois de mai la formation anti-immigration des Vrais Finlandais a dû prendre des mesures restrictives, imposant notamment un "programme d'étude" de la culture et de la société finlandaises pour les nouveaux arrivants.

Un groupe baptisé "les Soeurs de Kylliki" (du nom d'une héroïne de la mythologie finlandaise) s'est récemment constitué pour "favoriser le dialogue avec tous les Finlandais et tous les immigrants".

(Pierre Sérisier pour le service français)

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