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High-Tech

La face cachée de l'Uberisation

"Uberiser" est un mot à la mode que beaucoup perçoivent comme une bonne chose. Le marketing n'hésite d'ailleurs pas à l'employer à tout va pour imaginer les nouveaux marchés de demain.

Quand on parle d'Uberiser, on parle finalement de révolutionner un secteur d'activités en se basant sur ce que l'Américaine Uber a imposé au secteur très cadré des taxis. Dans l'esprit de nombreux entrepreneurs "révolutionner" est hyper positif : on va tout revoir, en mieux, en s'appuyant sur les nouvelles technologies et recentrant le business sur le client... Bref : "on va bouger les lignes !". Mais il faut garder à l'esprit qu'une révolution se fait toujours avec pertes et fracas, ce que beaucoup de gens semblent oublier. Les révolutionnaires et les révolutionnés doivent se préparer à en payer le prix.

Avec l'uberisation beaucoup croient voir de nouvelles opportunités sur des marchés normalement verrouillés en s'imposant comme l'a fait Uber avec les taxis, et en étant finalement prêts à violer des règles, des lois et en assumer plus ou moins les conséquences. Mais rappelons que si des règles existent ce n'est jamais sans raison et en France, quoi qu'on en dise, les règles sont théoriquement là pour protéger ou tout du moins encadrer. Lorsque l'on veut révolutionner un marché (comme l'a fait Uber), on peut donc oublier des règles imposées, du moins le temps que le législateur réagisse.

Quand le législateur réagit, les sanctions tombent : ainsi le service UberPop a été interdit en juillet 2015 et la société Uber condamnée à payer 800 000 euros d'amende en juin 2016. Il aura fallu plus d'un an et demi pour que le législateur réagisse face à ce service totalement illégal.
Ceci dit il faut un temps conséquent pour que le législateur intervienne. Uber est désormais valorisée 60 milliards de dollars, et une sanction financière de 800 000 euros peut sembler une goutte d'eau et n'empêche pas, en tout cas, que se poursuivre la révolution. Aujourd'hui Uber prospère même sans UberPop.
Pour autant, Uber doit affronter de nombreux procès : elle est attaquée de toutes parts pour ces méthodes agressives vis-à-vis du marché du travail et des règles des transports, et ce, dans plusieurs pays. (Californie, Canada, Suisse, Inde...)

La révolution a bien sûr des côtés positifs et il faut reconnaître qu'Uber en France a fait rentrer sur le marché du travail de nombreux sans-emploi devenus chauffeurs, activité jusque là difficile d'accès vu les conditions exigées pour devenir taxi. Heureux de conduire des berlines et d'avoir une activité ils ont été nombreux dans un premier à participer à la révolution du secteur. Tant pis pour les taxis dont certains ont même rejoint la lutte en devenant également des chauffeurs VTC associés à Uber... D'autres activités sont même apparues comme des loueurs spécialisés dans les Berlines mises à dispositions des nouveaux conducteurs d'Uber. Le secteur des taxis parfois critiqué pour ses indélicatesses et son laxisme s'est aussi vu fortement secoué et ainsi forcé de s'adapter et revoir ses méthodes vis-à-vis de ses clients.

Le révolutionnaire du monde du taxi semble avoir gagné... Mais comme toujours le succès fait tourner la tête ou aiguise les appétits et Uber, désormais grand décideur d'une armée de chauffeurs qui dépendent de lui et de son application Waze adaptée à l'activité de la société, sans aucune consultation décide la hausse à 25% de la commission. Si les chauffeurs ne sont pas contents, ils peuvent toujours aller voir ailleurs (ou manifester comme jeudi - ils ne peuvent pas faire grève puisque pas salariés).

Tout ceci, c'est l'histoire rapidement retracée d'Uber... et cette révolution libérale va continuer longtemps, mais avec de plus en plus de victimes. L'action finale d'Uber étant de se passer des chauffeurs pour exploiter des véhicules autonomes... En faisant sauter toutes les règles, l'automatisation à 100% peut arriver beaucoup plus vite puisque l'entreprise pourra facilement se séparer de ses collaborateurs indépendants qui ne sont pas directement rattachés à l'entreprise (autoentrepreneurs). Au revoir l'emploi.

Le problème devient plus important puisque d'autres sociétés se vantent de vouloir Uberiser et donc reproduire plus ou moins toute cette façon de faire dans de nombreux secteurs plus ou moins cadrés.

Amazon expérimente Amazon Go un super marché totalement déshumanisé ou tout se fait via smartphone... Cela va pousser les autres magasins à poursuivre l'installation de caisses automatiques et accélérer la disparition de certains emplois.

Amazon veut également uberiser les transports et réalise par exemple déjà des livraisons de colis tous les jours de la semaine en faisant appel à des chauffeurs privés autoentrepreneurs (ou autre forme de société) et a déjà testé des livraisons le dimanche en France. La finalité sera la livraison par drone que la firme expérimente aujourd'hui en Angleterre (avec succès).

Les banques, les assurances et tous les secteurs d'activités sont les cibles de nouveaux projets qui espèrent uberiser ces secteurs. On imagine des solutions qui n'auront pas à supporter la réglementation et qui permettront au client de venir simplement consommer les services d'une banque ou d'une assurance sans y être attaché... 

Les révolutions sont inévitables. Mieux vaut s'y préparer et tenter de s'adapter plutôt que d'espérer que le législateur protège car son temps de réaction risque d'être trop long.

À chaque fois le même constat : Uberiser = révolutionner un secteur d'activités = on veut outrepasser des règles et des lois, on veut automatiser au maximum, supprimer des emplois, supprimer le coût du travailleur.

Le salaire universel pourrait être une bonne réponse pour tous les emplois qui risquent de disparaître dans les prochaines années, une réponse indispensable à une situation qui ne semble pouvoir résister aux nouvelles technologies, aux nouveaux modèles économiques qui ambitionnent de tout uberiser et in fine de tout automatiser...

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