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La face cachée du Cirque du Soleil : les petites mains de l’ombre

Le spectacle TOTEM s’est installé pour la première fois à Paris. Le Cirque du Soleil repose d’abord sur des artistes d’exception, mais dans l’ombre, les techniciens, les costumières, ou encore les accessoiristes font tourner une machine bien huilée. Suivez-nous dans les coulisses du show.

C’est par un bel après-midi ensoleillé et doux que nous avons poussé la porte (ou plutôt la grille) du Cirque du Soleil. Et dès nos premiers pas sur le site, pas de doute, la "nord-américaine touch" se fait sentir. Vous savez cette sensation étrange que tout (absolument tout !) est sous contrôle, et que, pourtant, vous êtes le bienvenu (réellement !) et que tous les gens que vous rencontrez sont vos amis… Après avoir donné les renseignements demandés et arboré fièrement notre badge "Media", nous avons retrouvé Mathieu Guérin, le "Director Site Operation". Le "Monsieur technique". Notre guide du jour. Un Québécois, un vrai, avec son accent, sa gentillesse et sa bonne humeur. Avec lui, nous avons découvert l’envers du décor. On s’est faufilé sous les gradins, on a rencontré les costumières, on a aperçu un artiste en pleine répétition, on a découvert le souterrain sous la scène… Et surtout, on a compris que le Cirque du Soleil a deux facettes : l’une artistique et l’autre technique. Que l’une ne va pas sans l’autre. C’est à la découverte de la deuxième qu’on vous emmène aujourd’hui.

Du champ au chapiteau

Le Cirque du Soleil présente, pour la première fois en France, son spectacle TOTEM jusqu’au 30 décembre prochain. Et c’est dans la Plaine de Jeux de Bagatelle, située dans le bois de Boulogne, que la troupe a posé ses valises. Habituellement, la pelouse est plutôt le terrain réservé des joggeurs, mais depuis les vacances de la Toussaint, un véritable village s’y est installé avec son grand chapiteau, ses camions, et ses kilomètres de câbles. Une installation qui ne doit rien au hasard et ne s’est pas faite en un claquement de doigts. "Chaque site est différent, prévient Mathieu Guérin, à Paris, on part d’un champ, et il y a tout à faire". L’équipe de construction arrive avant tout le monde afin de préparer le terrain. "Il faut protéger le gazon, déverser des tonnes de terre, réaliser des espaces bétonnés, marquer et percer le sol pour installer les pieux du chapiteau…". Et justement, ce chapiteau : comment se monte-t-il ? Tout en haut, la partie centrale qui s’appelle la coupole est élevée à l’aide d’un système de poulie. Les différentes parties de la toile, elles, sont lacées à la main. Mathieu Guérin nous a même donné une petite leçon. Le principe est tout simple, et pourtant la solidité de l’attache laisse admirative. Mais revenons-en à notre montage. La partie la plus impressionnante reste le tour du chapiteau. Car aujourd’hui encore, elle est réalisée à la main. Et il en faut des bras ! Une centaine de personnes est nécessaire. Et on y était. Le résultat est à découvrir ci-dessous en vidéo.

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Des Transformers

Lorsque le site est prêt, les 74 camions débarquent ! Ils transportent tout le matériel indispensable au spectacle. Mais pas seulement… Une fois déchargés, certains se transforment et servent de "bâtiments". Un exemple ? La cantine du Cirque du Soleil est en réalité une succession de cinq remorques accolées les unes aux autres. Vu de l’intérieur, impossible de se douter que l’on mange au fond d’un camion (mais il suffit de regarder les photos ci-dessous pour s’en convaincre). Les deux premières remorques servent à la salle de restauration, les deux suivants à la cuisine. Et le dernier est entièrement réfrigéré. "Tout est optimisé afin de gagner le plus de temps possible, explique Mathieu Guérin, car l’équipe n’a que sept jours pour tout installer". Et encore moins pour tout remballer (2 jours et demi !). "Par exemple, certains éléments de la cuisine sont vissés au sol, poursuit-il, comme ça on ne perd pas de temps et ça ne bouge pas pendant le transport". L’une des plus belles optimisations reste le camion "w.c.". Grâce à ses escaliers escamotables qui disparaissent dans la partie basse de la remorque, le camion est prêt à reprendre la route en deux heures.

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T’es où ? À la 22 ! "Tous les camions portent des numéros et ils sont toujours positionnés à la même place, raconte Mathieu Guérin, comme ça, c’est plus facile de savoir où est qui". Et parfois, c’est aussi plus discret. À la réponse : "je suis à la 22", il faut comprendre : "je suis aux toilettes". Il n’y a que la cantine que personne ne désigne par son numéro.

Sur la scène et sous les gradins

Après avoir inspecté les recoins du "village", déambulé dans les bureaux et s’être interrogé sur les kilomètres de câbles qui courent partout sur le site, nous sommes enfin entrés sous le chapiteau principal. Et là, au centre, seul sur la scène, et musique dans les oreilles, un artiste s’entraîne avec ses diabolos. On a presque l’impression de déranger. C’est donc discrètement que nous avons poursuivi notre visite. Mathieu Guérin en profite pour préciser qu’il y a 2.500 chaises à l’intérieur de ce grand chapiteau. "Et elles s’installent une à une", sourit-il. Le long des murs, de gros tuyaux percés ressemblants à de gigantesques tentacules servent pour la climatisation et le chauffage. L’un d’eux grimpe jusqu’au sommet. Pourquoi ? "Pour le confort des artistes qui s’élancent depuis la plateforme située tout en haut, sous la coupole, et celui des deux techniciens qui y passent l’intégralité du spectacle. Retour au sol. Tapi dans l’ombre, "le chef d’orchestre de TOTEM" est là, devant sa console et ses écrans de télésurveillance. À l’image, on distingue des câbles enroulés… Étrange ! "C’est lui qui donne tous les "go", nous explique Mathieu Guérin, et même temps qui surveille en temps réel toutes les procédures automatisées". Ce sont donc sur les câbles qui tirent les artistes qu’il garde un œil en permanence. La sécurité est primordiale.

Nous nous sommes ensuite glissés sous les gradins, sur un tapis de pop-corn tombés lors de la précédente présentation. "Cet accès nous sert de chemin rapide lorsque l’on doit traverser le chapiteau pendant le spectacle", indique Mathieu Guérin. Un peu loin, on atterrit sur l’espace réservé aux musiciens. Perchés en hauteur, mais un peu cachés du public, ils suivent chaque jour le spectacle et s’adaptent. Tous ? Non, l’un d’entre eux est obligé de jouer depuis les coulisses dans un cube insonorisé et condamné à suivre la représentation sur un écran. Vous avez deviné lequel ? Le batteur.

Un passage secret. Sous la scène, Mathieu Guérin nous a dévoilé l’existence d’un passage servant aux artistes afin qu’ils puissent se faufiler en secret pour émerger au centre du chapiteau. Un souterrain si bas qu’il faut s’allonger sur une planche à roulettes pour être envoyé jusqu’à la trappe.

Coulisses, accessoires et costumes

En coulisse, on trouve de tout. Des instruments de musique, des volants, des canoés, et de drôles de machines. L’une d’elles est d’ailleurs si imposante qu’elle ne peut pas emprunter le couloir qui mène à la tente d’entraînement et l’artiste à qui elle appartient est obligé de répéter directement dans les coulisses ! Pour gérer cet antre, deux accessoiristes sont à pied d’œuvre. Chaque jour, elles vérifient le matériel, le bichonnent, le réparent si besoin. Elles essaient aussi de trouver de nouvelles idées. Par exemple, il y a une drôle de machine faite de pots de couleurs qui s’illuminent dans la nuit. En réalité, il s’agit d’un instrument de musique. Les liquides devaient être changés régulièrement pour conserver leur effet lumineux. L’accessoiriste a trouvé une solution plus simple. Elle les a remplacés par de l’eau dans laquelle elle ajoute l’encre de stylos fluo.

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Un peu plus loin, il y a aussi les trois costumières de la troupe. Ce sont elles qui gèrent les habits de lumière des artistes. Sur un spectacle du Cirque du Soleil, il y a une rotation des athlètes, c’est-à-dire qu’ils sont plusieurs à faire faire le même numéro, à tour de rôle. Et comme chaque costume est fait aux mesures de l’artiste, il faut plusieurs costumes pour un même numéro. Pour l’anecdote, il n’y a que le couple sur rollers qui se produit sans relâche à chaque représentation.

Une (très !) grande famille

Lors de notre promenade, nous avons croisé quelques employés du Cirque du Soleil. Ils sont en fait 72 à faire tourner la machine TOTEM ! Le spectacle repose également sur 46 artistes, originaires de 19 pays différents. 118… c’est pas mal, mais ce n’est rien en comparaison du nombre de personnes que compte l’entreprise québécoise au total : 4.000 employés, dont 1.400 artistes ! Quoi qu’il en soit, la vie itinérante n’est pas simple à gérer d’un point de vue familial. Il y a ceux qui emmènent leur conjoint et leurs enfants dans leurs valises. Et il y a ceux qui profitent de la moindre occasion pour rentrer à la maison. "Avant, il y avait même une école au sein du Cirque du Soleil, se souvient Mathieu Guérin, mais aujourd’hui c’est devenu trop compliqué à gérer en raison du nombre de nationalités présentes dans la troupe. Ce qui n’empêche pas certains de faire l’école à leurs enfants lorsque cela est autorisé dans leur pays". Mais s’il y a une tradition que le Cirque du Soleil respecte, c’est le rendez-vous dominical. "Le dimanche, c’est la journée des familles et tout le monde est invité à partager un brunch, confie Mathieu Guérin, il y a toujours des enfants des enfants qui courent partout, c’est un moment particulier".

Du chapiteau au champ

Dans les premiers jours de janvier, les camions du Cirque du Soleil reprendront la route. Seule l’équipe de construction (rebaptisée "équipe de déconstruction" pour l’occasion ?) restera un peu plus longtemps à Paris avec une mission : faire disparaître toute trace du passage de la troupe. Il faudra défaire ce qui a été fait : faire sauter les allées goudronnées, reboucher les trous, enlever la terre… et aider Dame Nature à reprendre ses droits en ressemant du gazon ! Les Parisiens passeront alors des ors du Cirque du Soleil aux rayons printaniers qui baigneront bientôt ce qui n’est finalement… qu’un vaste champ.

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