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La famine menace la ville syrienne assiégée de Madaya

par Tom Perry

BEYROUTH (Reuters) - La famine menace les habitants assiégés de la ville syrienne de Madaya, près de la frontière libanaise, maintenant que l'hiver s'est installé dans la région.

La levée du blocus de cette localité par les forces gouvernementales est devenue l'une des principales exigences de l'opposition pour participer à des pourparlers de paix avec Damas.

Au moins dix personnes y sont mortes de faim au cours des six dernières semaines, d'après le décompte de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), alors que des militants de l'opposition parlent de dizaines de morts, chiffre que Reuters n'est pas en mesure de confirmer.

"On vivait de feuilles d'arbres, de plantes, mais on est aujourd'hui piégé par une tempête de neige et il n'y a plus ni plantes ni feuilles", explique Madjed Ali, un militant âgé de 28 ans joint par téléphone dans la ville. "Je pesais 114 kilos avant le siège. J'en pèse aujourd'hui 80."

Les habitants se débrouillent avec de l'eau parfumée avec des épices, du citron, du sel et du vinaigre, quand ils en ont, ajoute Abou Hassan Moussa, chef du conseil de l'opposition de Madaya. Le riz ou le lait en poudre, lorsqu'ils sont disponibles, peuvent atteindre 300 dollars le kilo.

Cinquante centimètres de neige sont tombés cette semaine et on brûle des meubles et des portes en bois pour se chauffer, explique un autre militant.

Selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies (Pam), 40.000 personnes sont menacées de famine à Madaya. "Madaya a été ravitaillée pour la dernière fois le 17 octobre dernier avec 3.900 rations alimentaires, assez pour nourrir plus de 19.000 personnes pendant un mois. Depuis, aucune aide alimentaire ou humanitaire n'a pu parvenir dans ce secteur comme prévu", a expliqué Bettina Lüscher, porte-parole du Pam.

BOUCLAGE

L'accès à la ville a été demandé à six reprises en 2015 par les agences humanitaires mais les autorités ne l'ont accordé qu'une seule fois.

Le sort de la ville paraît lié à celui des villages chiites d'Al Foua et Kefraya, assiégés par la rébellion dans la province d'Idlib. Un accord de cessez-le-feu a été conclu en septembre pour ces trois localités, ainsi que la ville de Zabadani, mais sa mise en oeuvre est lente.

La dernière livraison humanitaire à Madaya a été effectuée en même temps qu'une livraison similaire à Al Foua et Kefraya.

Le siège de Madaya a commencé il y a environ six mois, au début d'une offensive des forces gouvernementales et de son allié le Hezbollah libanais pour reprendre le contrôle des zones le long de la frontière syro-libanaise.

Selon une source proche du gouvernement syrien connaissant bien la situation à Madaya, il est faux de dire que les civils sont empêchés de quitter la ville. Cette même source estime que le nombre d'habitants assiégés est exagéré.

L'OSDH rapporte en revanche que 15 personnes, y compris des enfants, ont été tuées alors qu'elles essayaient de fuir la ville, soit par des tirs des forces loyalistes, soit par des mines.

Dans ce contexte, la perspective de pourparlers entre Damas et l'opposition, fin janvier à Genève, paraît bien lointaine.

L'une des conditions posées par l'opposition à ces négociations est l'accès de l'aide humanitaire aux zones assiégées ou difficiles à atteindre.

"Les négociations n'ont aucun sens tant que nous sommes assiégés, tant que nous rêvons d'une tasse de lait pour un enfant. Qu'est-ce qu'on va négocier ? Nos morts ?" dit l'un des militants de Madaya.

(avec Suleiman al Khalidi et Laila Bassam à Beyrouth et Stephanie Nebehay à Genève; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)

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