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Rivalités pour diriger une filiale de l'EI en Asie du Sud-Est

par Randy Fabi

DJAKARTA (Reuters) - La violence de l'Etat islamique (EI) s'est exportée jeudi pour la première fois en Indonésie, mais l'empreinte du groupe djihadiste reste faible dans le pays musulman le plus peuplé au monde en raison de la concurrence entre activistes pour en prendre la tête au niveau régional, estiment des experts.

La police de Djakarta a identifié un certain Bahrun Naim, un Indonésien basé en Syrie, comme l'instigateur de l'attaque qui a fait huit morts jeudi à Djakarta, trois civils et cinq assaillants.

Mais le djihadiste sans doute le plus influent de la région est un imam emprisonné, Aman Abdurrahman, qui de sa cellule et à l'aide d'une poignée de messagers et de téléphones portables, est en mesure de donner ses ordres à quelque 200 partisans.

Abdurrahman dirige le Jamaah Ansharut Daulah, une organisation formée l'an dernier qui fédère plusieurs groupes et qui pourrait, selon les experts des questions de sécurité, devenir un point de ralliement pour les partisans du groupe EI.

"Ils veulent importer les conflits en Indonésie afin de recruter davantage de gens de l'extérieur", déclare Rakyan Adibrata, un spécialiste du terrorisme installé à Djakarta, en évoquant ces activistes qui ont uni leurs forces.

"Tout comme en Syrie, il leur faut créer une zone de conflit assez grande pour attirer tous les djihadistes du monde entier. C'est leur principal objectif."

Pour le chef de la police de Djakarta, Bahrum Naim, qui est lui-même un disciple d'Aman Abdurrahman, a voulu, par l'attaque de jeudi, démontrer ses capacités d'organisateur aux chefs de l'EI en Syrie. Il a pour objectif d'unir les groupes pour l'instant rivaux qui soutiennent l'EI en Asie du Sud-Est, que ce soit en Indonésie, en Malaisie ou aux Philippines.

OBSTACLE

L'organisation djihadiste, qui contrôle un vaste territoire à cheval entre la Syrie et l'Irak, a accepté les serments d'allégeance de djihadistes au Nigeria, en Egypte, en Libye, en Algérie, en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen et en Arabie saoudite, mais n'a toujours pas formellement reconnu une seule entité en Asie du Sud-Est.

Basé en Indonésie, le Jemaah Islamiyah (JI) est le dernier groupe transnational à avoir mené avec succès des attaques d'envergure dans la région, parmi lesquelles les attentats de Bali en 2002 (202 morts).

Fondé par des activistes indonésiens et malaisiens ayant fait la guerre contre l'Union soviétique en Afghanistan dans les années 1980 et au début des années 1990, le JI a quasiment disparu aujourd'hui en raison de querelles internes et de l'action des forces de sécurité.

Plusieurs Etats de la région redoutent cependant que des activistes de langue malaise, parlée dans toute la région, qui reviennent de Syrie ou d'Irak ne forment une nouvelle organisation régionale du même type.

Mais les experts doutent de voir les djihadistes malaisiens, indonésiens ou philippins se regrouper sous la même bannière, car trop de choses les séparent.

"Pour le moment, il est difficile d'imaginer la formation d'une quelconque filiale (de l'EI) en Asie du Sud-Est", juge un haut responsable de l'armée philippine chargé de la lutte antiterroriste, qui souligne que les militants radicaux des Philippines s'intéressent avant tout aux enlèvements en échange de rançons.

"Le gros obstacle à surmonter, c'est de trouver un émir sur lequel ils puissent tous s'entendre", ajoute ce responsable souhaitant rester anonyme.

SERMONS

En Malaisie, Mahmud Ahmad, un ancien maître de conférences à l'université, est toutefois soupçonné d'avoir tenté récemment de fédérer des groupes radicaux issus des trois pays, dont Abu Sayyaf dans le sud des Philippines.

Mais Aman Abdurrahman reste peut-être le plus sérieux candidat pour prendre la tête d'une franchise de l'EI en Asie du Sud-Est.

Alors qu'il purge une peine de neuf ans de prison pour avoir participé à la mise en place d'un camp d'entraînement djihadiste en Indonésie, il est parvenu à encourager plusieurs centaines de partisans à partir combattre en Syrie et en Irak.

"Il dirige l'organisation de l'intérieur", explique l'expert en terrorisme Adibrata. "Des messagers apportent des téléphones portables et enregistrent toutes les paroles d'Abdurrahman."

Les autorités pénitentiaires ont plusieurs fois essayé de faire taire l'imam. Selon l'institut pour l'analyse politique des conflits, dix téléphones lui ont ainsi été confisqués en septembre 2014, mais un mois plus tard, il était en possession d'un nouveau téléphone et reprenait ses sermons à l'adresse de ses partisans à l'intérieur comme à l'extérieur de sa prison.

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)

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