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Une vidéo de l'EI braque les projecteurs sur un groupe interdit

par Michael Holden

LONDRES (Reuters) - L'hypothèse selon laquelle l'homme qui menace David Cameron dans une récente vidéo du groupe Etat islamique (EI) est Siddhartha Dhar, un Londonien parti en Syrie alors qu'il était en liberté sous caution, braque une nouvelle fois les projecteurs sur le groupe interdit Al Muhajiroun, considéré comme une matrice du djihadisme en Grande-Bretagne.

L'identification de Siddhartha Dhar, au visage masqué dans la vidéo diffusée ce week-end dans laquelle il profère des menaces contre la Grande-Bretagne et assassine un captif, n'a pas encore été confirmée par les services du renseignement britannique mais est présentée comme quasi certaine par les médias.

Ce converti à l'islam, issu de la communauté hindoue, est considéré comme l'une des figures du djihadisme en Grande-Bretagne et a été pendant des années l'un des porte-parole d'Al Muhajiroun.

Le groupe désormais interdit avait été fondé à la fin des années 1990 par l'imam d'origine syrienne Omar Bakri, à une époque où la capitale britannique était réputée héberger le "Londonistan" en raison de la tolérance des autorités envers les idées extrémistes.

Al Muhajiroun s'était particulièrement fait connaître après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, publiant des brochures présentant les membres des commandos d'Al Qaïda comme "Les 19 magnifiques". Le groupe se réunissait dans des centres communautaires de l'est de Londres, manifestait régulièrement devant le 10, Downing Street, qui abrite les bureaux du Premier ministre.

Interdit en 2010 en vertu des lois antiterroristes, il s'est réinventé sous d'autres noms, comme Islam4UK, Al Ghurabaa ou Muslims Against Crusades, qui ont tous été dissous par les autorités.

Omar Bakri a pour sa part été expulsé de Grande-Bretagne dès 2005, à la suite des attentats suicide de Londres qui ont fait 52 morts dans les transports publics. Il est aujourd'hui détenu au Liban.

INSTRUMENTALISER LA COLÈRE

Des spécialistes de la sécurité relèvent qu'Al Muhajiroun et ses avatars ont servi de matrice au djihadisme britannique. Abu Hamza al Masri, condamné l'an dernier à la prison à vie aux Etats-Unis, ou bien encore Michael Adebolajo, qui a assassiné un soldat britannique en 2013 dans une rue de Londres, ont été liés à ce groupe.

"Si on observe tous ceux qui sont passés à l'acte, ont tenté de faire exploser des bombes ou se sont engagés dans des activités terroristes, on s'aperçoit pour un nombre incroyable d'entre eux qu'ils ont été à un moment ou un autre de leur vie mêlés à ce groupe", dit à Reuters Raffaelo Pantucci, directeur des études sur la sécurité internationale au centre de recherches RUSI de Londres.

En tout, 23 des 51 islamistes impliqués dans des actes terroristes commis ou déjoués en Grande-Bretagne de la fin des années 1990 à 2013 ont été liés de près ou de loin à ce groupe, note le chercheur, auteur d'un essai sur les "moudjahidine des banlieues britanniques", "We Love Death As You Love Life" ("Nous aimons autant la mort que vous la vie", non traduit en France).

Nombre d'entre eux l'avaient cependant quitté au moment de passer à l'acte, en lui reprochant de privilégier les manifestations à la lutte armée, ajoute-t-il.

Pour Adam Deen, un ancien membre du groupe - jusqu'en 2003 - qui travaille désormais pour un centre de recherche contre l'extrémisme, Al Muhajiroun savait exploiter la colère et le sentiment de marginalisation des jeunes musulmans pour les radicaliser.

"Ce qu'ils font, c'est qu'ils écoutent leur amertume, lui donnent un habillage religieux et ensuite l'instrumentalisent dans une visée islamiste ou wahhabite, si bien que ces jeunes pensent agir au nom de Dieu quand ils commettent un acte terroriste", explique-t-il, ajoutant que le groupe s'est lui-même radicalisé au fil des années.

Raffaelo Pantucci note aussi que l'influence d'Al Muhajiroun s'est étendue au-delà des frontières du pays, avec l'apparition de mouvements Shariah4Belgium, Shariah4Holland ou Shariah4Italy qui donnent une dimension européenne au djihadisme.

(Tangi Salaün pour le service français)

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