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Vers des bouleversements dans le paysage politique allemand ?

par Noah Barkin

BERLIN (Reuters) - Depuis une dizaine d'années, la scène politique allemande n'a pas vraiment connu de bouleversements, Angela Merkel restant la figure dominante au niveau fédéral et les grands partis étant d'accord sur l'ensemble des grands dossiers, des plans d'aide dans la zone euro aux réfugiés et à la sortie du nucléaire.

Les choses pourraient bien changer durant cette année 2016, au cours de laquelle des élections régionales se tiendront dans cinq des 16 Länder, en prélude aux législatives fédérales de 2017.

Non seulement la chancelière conservatrice apparaît plus vulnérable que jamais en raison de sa politique d'accueil envers les centaines de milliers de réfugiés qui fuient les conflits au Moyen-Orient, mais aussi la progression du parti Alternative pour l'Allemagne (AfD, anti-immigrants) apporte un élément de surprise dans le paysage politique du pays.

Si l'on ajoute à cela un morcellement inédit de l'électorat, qui fait que six partis peuvent prétendre à siéger dans la majeure partie des parlements régionaux, la politique allemande d'ordinaire consensuelle et tranquille commence à devenir un tantinet moins prévisible qu'elle ne l'a longtemps été.

Le joker, c'est la menace d'attentat que font planer les groupes islamistes sur le sol allemand, illustrée par l'alerte du réveillon du nouvel an, quand les autorités ont reçu un renseignement sur l'imminence d'un attentat suicide dans les gares de Munich, qui ont été aussitôt fermées par précaution.

En privé, certains estiment dans les milieux politiques à Berlin qu'un attentat perpétré par des personnes entrées en Allemagne parmi le flot des réfugiés pourrait être fatal à la chancelière.

Même si l'Allemagne reste à l'abri du terrorisme cette année, la crise des migrants continuera de dominer les débats politiques, en polarisant l'électorat et en donnant du tonus aux opposants à la chancelière, que ce soit à droite ou à gauche.

Jusqu'à présent, les critiques les plus dommageables sont venues de l'Union sociale-chrétienne, la CSU bavaroise, formation conservatrice alliée des chrétiens-démocrates (CDU) d'Angela Merkel.

"Si nous ne réussissons pas à endiguer le flot de réfugiés, nous pourrions assister à un séisme politique en Allemagne", a déclaré un haut responsable gouvernemental, sous le couvert de l'anonymat. "Si Merkel ne tient pas parole, AfD pourrait se rapprocher des 20% dans les sondages", pronostique-t-il.

Actuellement, AfD est crédité de 8 à 10% des intentions de vote, soit le double environ des 4,7% obtenus lors des dernières législatives en 2013, tout près du seuil des 5% nécessaires pour obtenir des élus au Bundestag.

LE SPD, PARTENAIRE PLUS IMPREVISIBLE?

Ces 8 à 10% peuvent paraître inoffensifs par comparaison avec les scores enregistrés par des partis de la même famille de pensée en Europe, comme le Front national en France, le FPÖ autrichien ou le Parti populaire danois (DF), qui font au moins deux fois mieux.

Mais la progression d'AfD paraît plus remarquable si l'on se souvient qu'elle a eu lieu sur fond de dissensions internes et de difficultés financières qui ont placé au bord du précipice cette formation apparue seulement au début de 2013.

Pour faire face à sa crise financière, le parti a lancé un appel aux dons et a pu recueillir dans les deux millions d'euros en seulement trois semaines, signe de l'attrait qu'il exerce.

Lors des trois élections régionales prévues en mars, le score d'AfD sera suivi de près. Le parti pourrait obtenir 7% dans le Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat, dans l'ouest du pays, et deux fois plus dans un Land de la partie orientale, Saxe-Anhalt.

"Lors de chacune de ces élections, le score d'AfD permettra de déterminer quelles alliances sont possibles", écrivait la semaine dernière Torsten Krauel dans un éditorial de "une" du journal conservateur Die Welt.

La montée en puissance d'AfD et la renaissance du FDP (libéraux) après leur traversée du désert signifient qu'en englobant la CDU-CSU, la droite allemande compte désormais trois partis susceptibles de siéger dans les parlements, régionaux ou fédéral.

Si l'on y ajoute les trois partis existants à gauche, le SPD (sociaux-démocrates), les Verts et Die Linke (La Gauche), la scène politique allemande apparaît plus fragmentée que jamais depuis la réunification en 1990.

Si Angela Merkel n'est pas en mesure d'endiguer le flux de réfugiés dans les mois à venir, elle pourrait être la grande perdante de la redistribution des cartes en cours.

Si en revanche elle y parvient, ce pourrait être son partenaire de coalition au plan fédéral, le SPD, qui en pâtirait le plus.

La progression d'AfD et le retour du FDP vont compliquer la tâche du SPD pour former des majorités de gauche au niveau régional mais aussi fédéral, le condamnant à jouer un rôle de supplétif.

Du fait de sa faiblesse, le SPD pourrait être pour Angela Merkel un partenaire de coalition plus clivant et plus imprévisible à mesure que l'on se rapprochera des élections fédérales de septembre 2017.

(Eric Faye pour le service français)

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