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Manifestation à République : l’état d’urgence peut-il justifier les violences policières ?

Un vieux monsieur qui tombe à terre après un coup de tonfa dans les genoux. Un CRS qui parle clairement de "lister", de faire du chiffre. Des forces de police qui marchent sur le mémorial en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre. Des interpellations arbitraires. Et si on ne vous avait pas tout dit sur la manifestation de la place de la République ?

Alors que la COP21 s’est achevée avec un accord "historique" et "universel", petit retour en arrière. Au dimanche 29 novembre pour être exact. À la veille de l’ouverture de la grande messe du Bourget. Ce jour-là, bravant l’interdiction de manifester en raison de l’état d’urgence, entre 4.500 (selon la police) et 10.000 personnes (selon les organisateurs) sont descendues dans la rue pour faire pression sur les chefs d’État du monde entier concernant la question du réchauffement climatique, mais aussi pour protester contre l’état d’urgence et défendre la liberté de manifester. Que l’on soit d’accord ou pas, ces gens avaient quelque chose à dire. Sauf que tout ne s’est pas vraiment déroulé comme prévu. Le soir, les médias diffusaient en boucle les images d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, expliquant que les premiers avaient saccagé le mémorial de la place de la République en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, jetant notamment les bougies sur les policiers.

Pourtant, depuis, d’autres images de cette journée ont circulé, prises par des télévisions étrangères et les personnes présentes sur les lieux. C’est notamment le cas de la vidéo ci-dessus. En prenant le temps de la regarder, ce qui interpelle finalement n’est pas la violence des manifestants, mais bien celle des forces de l’ordre. Alors que s’est-il passé ? L’état d’urgence peut-il, à lui seul, justifier une réplique disproportionnée ? Faut-il fermer les yeux au nom de la désormais sacro-sainte sécurité ou s’insurger ? Et que penser de la couverture médiatique faite de ce dimanche-là ?

Alex, un étudiant de vingt ans, était à République ce fameux dimanche. Au départ, il s’y était rendu avec des amis pour participer à la grande collecte de chaussures. Quelques heures plus tard, il était en garde en vue. Entre les deux, il n’a pas vraiment compris comment il en est arrivé là. Oui, en début d’après-midi, des affrontements ont éclaté. Mais contrairement à ce que certains journaux ont publié, "les casseurs n’étaient qu’une trentaine, pas plusieurs centaines", certifie Alex. "Ils ont effectivement lancé des bougies et des pots de fleurs du mémorial sur les policiers", poursuit-il. "Certains manifestants ont donc décidé de faire une ronde autour du mémorial pour le protéger des casseurs, et ce sont ces manifestants qui se font chasser manu militari par les CRS". Et ces derniers ont piétiné bougies, fleurs et petits mots. La place de la République était bouclée. Plus personne ne pouvait sortir, "sauf de manière individuelle et après avoir été fouillé", précise Alex. De 14h à 15h, casseurs et forces de l’ordre se sont affrontés. Les policiers ont utilisé des grenades assourdissantes et lacrymogènes et tenté de petits assauts. "Ensuite, le calme est revenu", se souvient Alex. "Plus tard, lors de ma garde à vue, certains manifestants plus chevronnés que moi m’ont expliqué que les casseurs étaient rodés à ce genre d’évènements, qu’ils avaient dû se débarrasser de leurs cagoules dans les poubelles et quitter les lieux". Pourtant, c’est après que les CRS ont décidé de lancer l’assaut. "Ils ont coupé la place en deux et ont resserré l’étau", raconte Alex. "Ils ont embarqué un dessinateur qui se trouvait à côté de moi, lui ont déchiré ses vêtements et vidé son sac avant de le trainer jusqu'au camion, et c’est en voulant ramasser ses affaires qui étaient tombées par terre que je me suis fait arrêter".

À entendre le récit de cet étudiant de vingt ans (et il n’est pas le seul), et après avoir visionné la vidéo ci-dessus, la violence des forces de l’ordre interpelle. Choque. Certains élus ont même questionné le gouvernement sur la gestion de cette manifestation. Et si la préfecture de police avait laissé faire les casseurs pour justifier encore plus l’interdiction de manifester ? Quoi qu’il soit, répondant au député Philippe Cochet (Les Républicains) qui dénonçait une "faute grave de l’État", le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a salué l’intervention "courageuse" des forces de l’ordre qui ont mis "hors d’état de nuire ces individus". À savoir, les casseurs. Pourtant, seules deux interpellations ont visé les violences en elles-mêmes, selon la préfecture de police… Deux interpellations… Sur plus de 300. Les autres ont été placés en garde à vue pour "refus de se disperser malgré les sommations". Ils ont été relâchés. Mais pour combien de coups de tonfa ? De manifestants brutalisés ?

"Si le rassemblement n’avait concerné que des questions écologiques, les choses ne se seraient pas passées comme ça, estime Alex. Mais comme il concernait aussi l'état d'urgence, ça a dérapé". Fallait-il en faire un exemple ? "Les militants du NPA ont essayé de forcer les cordons de CRS, mais sans violence, en levant les mains, poursuit-il, tout comme les clowns d'Alternative libertaire qui étaient non violents". Rien dans leurs faits et gestes ne justifiait la réponse musclée des forces de l'ordre. Pour Alex, une chose est sûre : "après cette journée, je vais m’engager, clairement" !

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